Ce thriller haletant avec Lee Seo Jin est servi par un scénario machiavélique et lance un nouveau style de drama coréen inspiré du cinéma. Découvrez notre critique sans spoiler.
Premier opus du projet Dramatic Cinema d’OCN, Trap nous plonge dans une enquête policière sur fond de chasse à l’homme. Cette production haut de gamme au scénario très dense colle le frisson avec son univers inquiétant, son intrigue tortueuse et ses retournements de situation réjouissants. Servi par un casting quatre étoiles, Trap offre à Lee Seo Jin un rôle fascinant.
Synopsis : Célèbre présentateur télévisé, Kang Woo Hyun (Lee Seo Jin) part en voyage avec son épouse et son fils. Sur le chemin, ils font escale dans un café en pleine forêt et tombent dans un piège terrifiant.
Ko Dong Guk (Sung Dong Il) est un flic vétéran proche de la retraite. Aidé de la profileuse Yoon Seo Young (Im Hwa Young), il prend en main l’affaire de Kang Woo Hyun, qui a été hospitalisé dans un état critique.
Du cinéma au drama
Trap est le premier opus du projet Dramatic Cinema, un nouveau genre de dramas lancé par OCN, chaîne leader sur le terrain du thriller à la télévision coréenne.
La ligne éditoriale du projet repose sur la combinaison entre la production exigeante d’un long métrage cinéma et le niveau d’écriture d’un drama.
Justement, Trap était à l’origine un film conçu pour le grand écran, avant de renaître sous la forme d’un mini-drama de 7 épisodes d’environ 1h10 produit par la société Film Monster.
La production est placée sous la responsabilité de Lee Jae Kyoo (le réalisateur de The King 2 Hearts), et Park Chul Soo, CEO de Film Monster. La réalisation est confiée à Park Shin Woo (Encounter, Jalousy Incarnate) et le scénario à Nam Sang Wook (Ten).
Trap s’offre également une distribution haut de gamme, puisque le haut de l’affiche est tenu par Lee Seo Jin et Sung Dong Il, dont le face-à-face fait partie des atouts du drama.
Entre polar et survival
Dès les premiers épisodes, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le format du long métrage a été abandonné. Le scénario s’avère extrêmement dense et compte un nombre important de personnages, qui nous sont introduits au fur et à mesure de l’histoire, sans jamais perdre le spectateur.
Trap nous invite dans un premier temps à suivre deux intrigues simultanément. Hospitalisé dans un état grave, Kang Woo Hyun se remet peu à peu de ses blessures, mais s’enferme dans le mutisme. Il parvient à délivrer un témoignage par écrit.
Le drama retrace ainsi en parallèle les événements relatés dans le témoignage et l’avancement de l’enquête menée par les policiers dans le présent. Comme on s’en doute, celle-ci est entravée par des événements tragiques, comme si des forces obscures tentaient d’empêcher la vérité d’éclater.
Si Trap se définit avant tout comme un polar, la partie retraçant l’agression de Kang Woo Hyun et de ses proches utilise les codes du genre du survival: un groupe de personnages est pris au piège dans un décor unique, le principal protagoniste est pris en chasse et les cadavres s’accumulent sur son chemin.
Avant d’arriver à cette explosion de violence, le réalisateur Park Shin Woo fait patiemment monter la tension, utilisant l’atmosphère glauque du café, dont la décoration comporte de multiples références à l’univers de la chasse, pour installer un malaise progressif chez le spectateur.
Le premier épisode nous plonge ainsi lentement, mais sûrement dans l’horreur et laisse un sentiment de vertige grâce à un cliffhanger habile.
Autant vous prévenir tout de suite, le déchaînement de violence qui survient dans la seconde partie de l’épisode 1 nécessite d’avoir le cœur bien accroché.
Entre les séances de torture au couteau ou à la hache, et les coups de pelle en pleine face, le réalisateur n’a pas peur de choquer son public! Sur ce plan, Trap se rapproche des thrillers ultraviolents qui ont fait la notoriété du cinéma coréen dans les années 2000.
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La force de ces scènes est qu’elles sont imprégnées du sentiment d’urgence créé par la disparition des proches de Kang Woo Hyun. Ce dernier bascule d’ailleurs dans un état second qui le mène à repousser les limites de la violence.
L’essence du Mal
La mise en parallèle de ce récit avec l’enquête s’avère particulièrement maligne. Les découvertes successives des policiers jettent le trouble sur les événements décrits dans le témoignage de Kang Woo Hyun, qui sont appréhendés à travers son seul point de vue.
Le célèbre présentateur de JT a-t-il eu affaire à une bande de psychopathes? S’agit-il d’un coup monté contre lui ou d’un complot plus vaste? Kang Woo Hyun a-t-il dit toute la vérité?
Aux côtés du flic vétéran Ko Dong Guk et de la profileuse Yoon Seo Young, Trap nous entraîne dans une enquête tortueuse qui nous amène constamment à réajuster notre perception des événements décrits dans les premiers épisodes, en appréhendant l’histoire à travers plusieurs points de vue.
Comme dans la plupart des thrillers coréens, la violence des plus riches sur les plus pauvres est au programme de l’histoire. Ce sujet est cependant abordé sous un angle plus philosophique que social: faisant constamment référence aux études sur la psychopathologie, Trap s’intéresse aux rapports de domination psychologique qui relient les personnages.
Le drama ambitionne en effet de définir la notion même du Mal et développe une théorie intéressante sur la prédation dans le monde moderne. Les liens pervers entre les mondes des affaires, de la politique et des médias ne sont pas sans évoquer l’univers dérangeant des romans suédois Millenium – la comparaison est accentuée par le choix du métier de journaliste pour le personnage de Kang Woo Hyun.
La narration aurait parfois gagné à respirer dans le second arc (épisodes 3 à 5), le montage donnant parfois l’impression d’un empilement de scènes un peu précipité. L’ajout d’un épisode n’aurait pas été un luxe pour apporter plus d’impact à certains événements.
Toutefois, le format court a le mérite de permettre au scénario de suivre son fil directeur sans jamais se perdre dans des sous-intrigues annexes. L’histoire offre également son lot de retournements de situation réjouissants. Attendez-vous à vous sentir choqués et manipulés!
Il faudra attendre le dernier arc du drama pour comprendre la véritable signification du titre Trap et saisir sa portée – vous voilà prévenus.
Lee Seo Jin dans un contre-emploi
Plus connu pour ses variety shows (notamment l’excellent Grandpas Over Flowers) et ses rôles dans des mélodrames (Marriage Contract) ou des sageuk (Yi San, Wind of the Palace), Lee Seo Jin, qui interprète Kang Woo Hyun, trouve avec Trap un véritable contre-emploi. L’acteur avait déjà collaboré avec le producteur Lee Jae Kyu sur la série Damo en 2003 et le film Intimate Strangers en 2018.
La personnalité complexe de Kang Woo Hyun contribue au mystère et au suspense du drama et la performance d’acteur de Lee Seo Jin, qui s’avère assez incroyable, fait partie des attractions de ce thriller manipulateur.
Lee Seo Jin partage le haut de l’affiche avec Sung Dong Il (Live, It’s Ok, That’s Love), un acteur que l’on était plutôt habitués à voir dans des seconds rôles, et qui se retrouve propulsé au premier plan dans ce drama.
Avec sa grosse voix et son charisme imposant, Sung Dong Il nous embarque sans difficulté avec lui, suscitant une empathie inconditionnelle chez le spectateur. L’acteur se montre même touchant dans les scènes émotionnelles.
Dans le rôle de la profileuse Yoon Seo Young, le choix d’Im Hwa Young, que l’on connaît surtout pour ses rôles dans Chief Kim et Prison Playbook, s’avère original et même judicieux: elle possède la solidité de jeu nécessaire pour donner la réplique à Sung Dong Il.
Les personnages de Ko Dong Guk et Yoon Seo Young forment un duo atypique et attachant. A aucun moment Sung Dong Il, qui a beaucoup plus de métier que sa collègue, ne tente de tirer la couverture vers lui.
Trap permet aussi de découvrir Yoon Kyung Ho dans un registre inhabituel: oubliez le flic nounours de Duel ou le brave clown de The Crowned Clown! Sa performance dans un rôle qui fait froid dans le dos constitue l’un des moments de bravoure du drama.
On retient également Jo Dal Hwan (Rampant) dans le rôle touchant du détective Bae, Lee Joo Bin (Mr. Sunshine) en secrétaire énigmatique tirée à quatre épingles et Jang Sung Bum (On Our Wedding Day, Stranger) en flic rookie sincère, bien qu’un peu inconscient.
Notre avis sur le concept Dramatic cinema
Après avoir visionné le drama, nous pouvons apporter quelques commentaires sur le projet Dramatic Cinema ».
Tout d’abord, l’émergence d’un tel concept est logique. L’essor des productions du câble, c’est-à-dire des chaînes OCN, tvN et JTBC, a incontestablement élevé les standards artistiques des dramas coréens dans toute l’industrie.
Justement, si le cinéma coréen propose toujours de belles productions, la qualité des films de genre s’est quelque peu essoufflée dans les années 2010, en particulier concernant les thrillers (surexploitation de la violence, quasi-disparition des personnages féminins…).
En lançant le concept Dramatic Cinema, OCN affirme son ambition de reprendre le flambeau des thrillers qui ont fait la renommée du cinéma coréen dans les années 2000.
Plusieurs dramas d’OCN, tels que Duel ou Save Me, peuvent cependant se targuer de bénéficier d’une réalisation d’un niveau largement comparable à celle de nombreux thrillers du grand écran. En quoi l’expérience Trap change-t-elle la donne?
Mon point de vue est que la différence ne tient pas nécessairement à la qualité de la réalisation. Le travail du réalisateur Park Shin Woo s’avère d’excellente facture, mais pas nécessairement plus impressionnant que celui de Lee Jong Jae sur Duel ou de Kim Sung Su sur Save Me.
En revanche, les moyens alloués à la production sont incontestablement supérieurs. La production de Trap peut ainsi multiplier les décors en extérieur, au lieu de ramener maintes fois les personnages dans les mêmes décors intérieurs. Le format court de 7 épisodes laisse également à la production l’opportunité de déployer des moyens supérieurs à chaque épisode.
Le drama ne se compromet pas pour autant dans une débauche d’effets spectaculaires : le projet Dramatic Cinema semble pouvoir privilégier l’approche qualitative.
Le prochain projet Dramatic cinema est prévu pour la seconde moitié de 2019. Il s’intitulera Strangers From Hell et mettra en vedette Im Siwan.
Trap était diffusé sur OCN entre le 9 février et le 3 mars 2019 le samedi et le dimanche à 22h20, succédant à Priest et précédant Kill It sur ce créneau.
Elodie Leroy
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